artiste, parchemin, image et poésie
Ma rencontre avec le parchemin, toute une histoire …
BIBIOGRAPHIE
Au-delà de la lecture, je découvre l’objet livre après des études d’histoire de l’art, d’architecture et de peinture. C’est un objet passionnant. Il contient tant de domaines, texte, typographie, image, gravure, papier, cuir, reliure, dorure, encre…
Depuis toujours je suis fascinée par les pages blanches des cahiers d’école. Tout ce que je pourrais inscrire sur ces lignes bleutées! Mais en même temps, c’est comme contempler l’immensité de l’océan : par où commencer ? Quel secret transcrire ? Quelle vérité parfaite révéler ? Quel voyage extraordinaire décrire ?
Il m'aura fallu traverser la moitié d’une vie pour enfin sentir la magie de mes petits dessins s’organiser en un tout cohérent au potentiel infiniment varié.
2000-2002 : À la découverte du parchemin
En 2000, à 34 ans, je découvre le parchemin dans l’une des dernières parchemineries artisanales de France. Au commencement, cette matière est blanche et lisse, d’un usage rébarbatif. Alors je la teste. J'en découvre tout d’abord la variété incroyable des blancs. En fonction de l’animal dont la peau est parcheminée, le grain, l’épaisseur, la luminosité changent.
Je constate ensuite les qualités paradoxalement plastiques de cette matière pourtant raide de prime abord. Et puis surtout, le parchemin est translucide. La lumière est à le fois absorbée, diffractée et renvoyée de manière unique.
En 2002 je crée mon premier livre unique : « L’Écclésiaste », première synthèse de toutes ces expériences, et réalise ainsi mon rêve d’enfant : être à la fois calligraphe, enlumineur, relieur et doreur. Ce livre unique sera exposé de nombreuses fois, de Bruxelles à Alexandrie.
2002-2006 : Création et développement de l’entreprise « Parchemin contemporain »
Les parchemins de chevreau non ébourrés sont d’une telle richesse de coloris et de motifs grâce à la présence des poils dans le derme qu’il m'est apparu rapidement comme une évidence de jouer avec tous ces éléments presque graphiques. Je mets au point ce que je nommerai la marqueterie de parchemin, récompensée en 2003 par le Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main.
Je suis alors sollicitée, en reliure, par des institutions comme la bibliothèque du musée Condé au château de Chantilly, ou en gainerie de mobilier, par des agences internationales de décoration intérieure comme l’agence Alberto Pinto.
2006-2015 : Création de mon atelier personnel
En plus de mes activités de Relieur et de gainier, j'introduis le parchemin en maroquinerie et dans l’univers de la mode grâce, notamment, à une collaboration fructueuse avec le designer Serge Amoruso pour la création d’un sac Pagode.
À partir de 2012 : Premiers livres uniques
Au fil du temps la nécessité de créer un univers plus personnel devient impérative. Je synthétise ma propre technique de reliure en fonction des propriétés spécifiques du parchemin et commence à inventer des histoires sans textes où seule l’image raconte. Je m’inscrit en 2016 au Concours Indigo du livre d’artiste à la Charité-sur-Loire et le remporte.
Depuis 2015 : Dessiner !
À partir de là, je réalise un livre unique par an que j'expose régulièrement au Salon Page(s et intègre des fonds spéciaux dans des bibliothèques, notamment la Nationale Bibliotheek des Pays-Bas.
« Céréalités climatiques » est publié aux Éditions Apeiron en 2017 et je collabore avec Virginie Aladjidi et Caroline Pélissier pour réaliser un livre pour enfant, « Journée parfaite », aux Éditions Thierry Magnier en 2020.
Parchemin, image et poésie…
DEMARCHE ARTISTIQUE
Alors étudiante à l’École du Louvre, je dévore les catalogues d’exposition et d’artistes. Je me nourris à l’excès de photos, images, gravures, de tous les objets d’art venus de toutes les cultures. Parallèlement, je rencontre le peintre Lucio Loubet et suis ses cours pendant quatre années. J’y apprends à penser l’espace pictural, comment inciter le spectateur à suivre le fil conducteur de la composition cachée sous l’image. Mes goûts sont très éclectiques, je passe de l’abstraction lyrique de Vassily Kandinsky aux dessins médecine des indiens Navajos, des cours de « la Pensée créatrice » de Paul Klee au Livre de Kells, des peintures aborigènes aux dessins de Vincent Van Gogh.
En voyageant dans tous les domaines de l’art, je découvre que mon inspiration est suscitée par les dessins premiers, glyphes, gravures, traces laissés par l’humanité au cours de son histoire. Ce sont des mondes hautement symboliques, riches de sens profonds dont la grande simplicité les rend compréhensibles au-delà du temps et de l’espace.
Il ne m’a fallu qu’un pas pour passer des gravures alchimiques d’un mutus liber au monde du livre et à la reliure. Et puis j’ai rencontré le parchemin…
Je dessine depuis toujours…
Mais, lorsque je l’ai pris en main, le parchemin est devenu ma boussole.
Et depuis il oriente toute ma créativité.
Mes dessins et livres uniques s’inscrivent par leur forme dans la lignée des précieux livres d’heures enluminés du Moyen Âge qui contenaient les temps et les textes des prières de la journée. De petit format, mes images recèlent les moments importants de la vie naturelle terrestre. La Terre est une petite boule, placée en orbite autour d’un petit soleil, au bord d’une galaxie immense, perdu quelque part dans l’univers infini. L’humanité évolue dans un monde clos, un jardin, où tout se recycle depuis quatre milliards d’années. Nous serions à la moitié de notre parcours. Il resterait quatre milliards d’années avant la fin de notre système solaire. C’est le moment incroyable où la lune et le soleil ont visuellement la même taille. C’est le moment aussi où nous, les humains, prenons conscience de la dichotomie entre vie et intelligence. De quoi réfléchir, notamment sur la notion de temps, circulaire, linéaire ou spiralé, et d’espace, limité ou infini, libre ou contraint, et d’y construire un nouvel équilibre.
Depuis mon scriptorium imaginaire, je glose autour de mes images. La matière volumineuse de l’encre colorée à base de gomme laque se cristallise à la surface du parchemin. Il en résulte que mes dessins sont signifiants à tous les niveaux, comme une écriture où tous les signes font sens, des lettres à la ponctuation, des couleurs aux surfaces colorées. Formellement, la silhouette d’un arbre, par exemple, est d’abord issue de l’idée de l’arbre, puis elle peut être nuancée par l’espèce à laquelle l’arbre signifié doit appartenir. Visuellement, il y a : perception des points colorés, addition des couleurs pures pour en préciser les nuances, perception des formes contenues dans les points, association des ces formes pour créer des surfaces de sens. L’oeil du regardant fait sans arrêt l’aller-retour entre toutes les combinaisons possibles. Plus il dispose de temps et plus il découvre les détails de la composition comme des particules élémentaires qui s’assemblent en matière.
Le rapport de forme est une autre des constantes qui conduisent mon travail de création, ainsi que les notions d’accumulation, de répétition, de systématisation qui caractérisent notre temps de surconsommation, de développement de masse, d’emballement productif.
Je cultive la symétrie, la frontalité et le copier-coller de mes propres motifs, la récurrence comme garantie de mon vocabulaire.
La faible distance entre le livre ou l’oeuvre et son lecteur ou spectateur tisse un lien particulier entre eux et permet de laisser se raconter une histoire sans mot, en s’appuyant sur des thèmes universels comme l’alternance du jour et de la nuit ou le cycle des saisons. Entre variations météorologiques et chronologiques, des constellations de sens apparaissent comme dans une encyclopédie merveilleuse.